03 avril 2021

Salut C'est Poule #47 par Pouloulou

 

L'heure de gloire des bières artisanales! 🍺

Longtemps reléguée au rôle de « boisson du pauvre », simplement désaltérante et au goût insipide, la bière connait en France un engouement et une diversification sans précédent! De 50 brasseries artisanales en 2000, il yen avait 400 en 2011 pour monter à 2000 aujourd’hui ! Pour en savoir plus sur ce coup de foudre entre les Français et la bière, nous avons rencontré deux micro-brasseurs, Edouard, fondateur de la brasserie des Aigues Froides dans les Hautes Alpes, et Anthony, gérant de la brasserie Haut-Marnaise de Vauclair.


Un peu de science et d'histoire:

Si on doit la résumer, la bière, c’est un mélange d’eau, de malt, de houblon et de levure. Elle est obtenue par fermentation, quand les levures transforment les sucres des céréales en alcool et gaz carboniques.
Il est dit que la bière serait la plus ancienne boisson alcoolisée, apparue en Europe vers 5000 av. JC, et popularisée en Gaule sous le nom de Cervoise.
Les moines furent les 1ers brasseurs et eurent le monopole jusqu’à Louis XIV, d’où une empreinte encore très marquée des abbayes dans le marketing brassicole. La découverte de la pasteurisation en 1857 lance le mouvement de modernisation et d’industrialisation de la bière.
Au 20ème siècle, les 2 guerres mondiales et les politiques publiques menées contre l’alcoolisme conduisent à la quasi-disparition de la production de bière en France, réduisant le nombre de brasseries à une vingtaine dans les années 70.
Pendant ce temps, aux Etats-Unis, la bière connait un essor fabuleux avec la multiplication des kraft-breweries (micro-brasseries artisanales) qui confèrent à la bière une identité locale, des goûts plus recherchés, authentiques et naturels. C’est cet essor que nous connaitrons, 20 ans plus tard, dans l’hexagone.
Comment expliquer l'essor des bières artisanales?
La principale raison à cet engouement, selon Edouard (micro-brasseur dans les Hautes-Alpes), c’est « le ras-le-bol des gens de consommer des produits standardisés, et l’envie de se réapproprier ce qu’ils ont dans leur assiette» et dans leurs verres. Anthony (micro-brasseur en Haute-Marne) partage ce constat : « la culture bière se développe beaucoup, les gens ont redécouvert la bière. Avant elle avait une image de pochtron, c’était considéré comme la boisson des pauvres ; aujourd’hui les gens apprennent à la goûter, à l’apprécier et à éduquer leur palais».
La bière est partout, à la carte des grands restaurants, dans les émissions de cuisine ( comme Top Chef ), et les accords mets-bière viennent compléter ceux du vin. Le Chef sommelier du Shangri La témoigne « aujourd’hui, servir une mousse à la place d’un vin n’a rien de sacrilège ».
Les deux brasseurs nous alertent cependant sur les risques liés à cette explosion de micro-brasseries, que sont l’amateurisme et les reconversions sans formation. Pour Anthony, « il faut faire très attention car ce sont des métiers où les normes sanitaires et de sécurité sont très exigeantes ; on travaille un produit qui est vivant, donc les risques sont partout».
Edouard complète : « le marché de la bière en est au stade du marché du vin il y a 30ans », le métier est en train de se professionnaliser doucement, et le discours sur la bière devient plus expert.

Bières artisanales vs industrielles: quelles différences?

Tout d’abord, la taille de la brasserie : celles artisanales ont un maximum de production de 200 000 hl/ an (très rarement atteint, en moyenne elles tournent à 5000hL/an). Aujourd’hui elles ne représentent que 7% de la production française alors qu’elles sont plus de 2000 : c’est dire la taille des mastodontes industriels !
Á la différence de la plupart des bières industrielles*, les bières artisanales ne subissent ni pasteurisation, ni filtration, ni traitement. Anthony nous explique : «Quand on pasteurise, la bière n’évolue plus dans le temps, et c’est bien dommage car une bière peut se vieillir comme du vin**. On a un produit vivant jusqu’au bout ».
Du fait de la standardisation, les bières industrielles n’évoluent jamais d’une cuvée à l’autre. Selon Edouard, « l’avantage des micro-brasseries c’est […] l’obligation de se différencier dans le goût, d’innover sans cesse par rapport aux produits industriels qui sont standardisés.
Les micro-brasseries sont à l’écoute du marché, de ce qu’aiment et consomment les gens très proches autour de nous, et les amènent à consommer des produits qu’ils ne connaissaient pas ».
Une différence majeure également, c’est l’attention portée aux matières premières. Quand, dans la filière industrielle, tout est généralement fait pour casser le coût des matières premières afin d’augmenter les marges, et que les additifs sont monnaie courante*, un focus est fait sur la qualité et la localité pour les bières artisanales.
Á la brasserie des Aigues Froides, « les matières premières sont choisies avec attention, cela permet de faire travailler les gens près de chez soi. Par exemple, nous utilisons du malt produit dans le coin, nous imprimons nos étiquettes en Savoie, l’eau vient du massif des Ecrins ».
Le discours est similaire pour Anthony, qui bénéficie même d’un atout de taille : la brasserie est installée au niveau d’une source, initialement captée par des moines cisterciens en 1 550.
L’attention au local est également poussée au niveau des débouchés pour les 2 brasseries. « La bière c’est 90% d’eau, je ne vois pas l’intérêt de faire voyager de l’eau ».
Edouard va même plus loin avec le lancement prochain de son pub, dans une volonté de « faire venir les gens à moi, me recentrer sur ma vallée avec une vente au vrac et en fut ».

La bière artisanale, un produit responsable?

Grâce à cette attention aux circuits courts, les brasseurs artisanaux ont compris l’importance de s’ancrer dans une région et de valoriser ses savoir-faire et circuits de production et de distribution.
La fabrication de la bière reste encore aujourd’hui très consommatrice d’eau.
Cependant, Anthony nous explique qu’avec la multiplication des brasseries, et donc de la demande, les équipementiers ont suivi et permettent désormais aux brasseurs d’utiliser 2 fois moins d’eau qu’il y a une dizaine d’année, et de réutiliser l’eau pour différentes étapes de fabrication. Des efforts en ce sens vont se poursuivre.
Un autre déchet, produit en grande quantité par les brasseries, c’est la drêche : les résidus du brassage des céréales.
Mais les solutions ne manquent pas pour la valoriser ! Anthony, par exemple, donne ses 130 tonnes de drêche annuelle à un agriculteur du coin qui nourrit ses vaches grâce à ce superaliment. Pleins d’autres débouchés fleurissent, comme les produits alimentaires, à l’exemple des crackers ResurrectionMaltivor ou Ramen tes drèches ; et certains en font même du mobilier comme Instead !
On espère vous avoir donné envie d’aller toquer à la micro-brasserie la plus proche de chez vous, pour rencontrer des brasseurs locaux et vous laisser tenter par leurs bières! Nous remercions très chaleureusement nos deux supers brasseurs qui ont permis l’écriture de cette newsletter, grâce à leurs regards croisés sur la bière artisanale : Edouard Billy, Fondateur de la Brasserie des Aigues Froides, Hautes-Alpes.
Anthony Nury, maître brasseur et propriétaire de la Brasserie de Vauclair , Haute-Marne.

* pas de généralité bien sûr : certaines bières industrielles utilisent le même cahier des charges que les bières artisanales, mais elles restent en grande infériorité.
** Pour vieillir une bière, la conserver debout (à la différence du vin), à l’abri de la lumière et de la chaleur (14°max). Les bières à privilégier pour un vieillissement sont les bières fortes comme les Spéciales, les Triple. Un petit conseil culinaire pour finir 🐑🍺 On a demandé à Anthony et Edouard, quelle était la bière idéale pour accompagner un agneau de Pâques :
Anthony :
« une bière ambrée, cela se mariera très bien. »
Edouard :
« une bière fumée, tourbée, ou alors quelque chose de très rafraîchissant et un peu amer, comme une bière de saison, pour casser le côté sucré de la viande ».
Nb : l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, la bière est à consommer avec modération.


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